vendredi 4 janvier 2013

Sepulcri (Amstrad CPC) Chris Sawyer

Il est des adages que l'on entend distraitement tout au long de sa vie, sans trop y faire attention, jusqu'à ce que leur bien-fondé vous tombe dessus, et notamment celui-ci : "plus on vieillit, plus on se rend compte de l'importance de ses origines".

À bientôt 39 ans, je réalise que c'est très vrai, sur de nombreux plans : culturel, social, psychologique... dernièrement, c'est sur le plan ludique que cette vérité s'impose à moi, puisque je néglige ma Xbox 360, la récente sortie de la Wii U et ma Wii (je n'ai toujours pas ouvert "Xenoblade" ni "Pandora's Tower") pour me replonger (de façon presque littérale, comme on va le voir) dans la machine qui, pourrait-on dire, m'aura façonné : l'Amstrad CPC.

L'Amstrad CPC, comme sans doute les autres ordinateurs 8-bit, n'était pas juste une machine de jeux, c'était une expérience.

Tout d'abord, même si l'on croyait avoir berné ses parents en prétendant vouloir un ordinateur pour apprendre l'informatique et non pour jouer, le fait est que ces machines sensibilisaient de gré ou de force au fonctionnement d'un ordinateur, à la programmation, et à l'informatique en général : lignes de commandes, BASIC, hexadécimal, bugs, cracks, copies (ah, les jeux incompréhensibles sans manuel), magazines spécialisés, différences entre les versions ZX Spectrum, Amstrad CPC et Commodore 64 d'un même logiciel... même si on n'avait eu que le jeu comme but initial, on se retrouvait forcément en avance au collège lors des premiers cours de la fameuse "informatique pour tous".

Ensuite, et c'est lié au point précédent, les jeux sur ordinateurs 8-bit n'étaient pas, comme les jeux sur consoles de salon, l'œuvre de game designers japonais s'inspirant des règles de l'arcade, mais celle d'informaticiens occidentaux ressemblant beaucoup à une partie du public de ces machines. Et donc, leurs jeux cherchaient davantage à tester des concepts parfois bizarres ou à concrétiser de vastes environnements abstraits plutôt qu'à reposer sur des bases de gameplay éprouvées : souvent, le codeur sur micro ne se souciait pas de son public, il explorait librement les possibilités offertes par son ordinateur, il jouait avec sa curiosité, son inventivité, son univers personnel, ses astuces de programmation et ses délires, et cela donnait parfois des choses merveilleuses.

"Sepulcri", de l'écossais Chris Sawyer (auteur de "RollerCoaster Tycoon", tout de même), est emblématique de mon vécu avec l'Amstrad. D'abord, comme l'essentiel de la ludothèque CPC, le jeu est un portage, cette fois-ci ne venant pas du ZX Spectrum, du Commodore 64 ou de l'arcade, mais du MTX de Memotech, un obscur et éphémère cousin du MSX ayant coulé sa compagnie à cause d'une transaction ratée avec l'URSS (ah, la guerre froide, toute une époque)... le portage a été amélioré visuellement par un graphiste, mais il est autrement presque identique à l'original ("Sepulcri Scelerati" sorti en 1985, "Sepulcri" sort l'année suivante).


Comme on le voit sur les captures d'écran (MTX à gauche, CPC à droite), "Sepulcri" est un jeu d'action/aventure en 3D isométrique, genre très populaire à l'époque et typique de l'Amstrad CPC et du ZX Spectrum depuis "Knight Lore" (1984). On y joue un robot miniaturisé devant explorer les entrailles du SDIS, l'ordinateur en charge de la défense mondiale (la guerre froide, toujours), avec comme objectif le test de chacun des 50 microprocesseurs de la machine (pour tester une puce, il suffit de sauter dessus). Une fois son travail effectué, le robot doit ensuite valider un protocole de sécurité, puis il peut enfin quitter les lieux.
Décrit ainsi et à première vue, le jeu ressemble énormément à "Alien 8" (1985), la suite que Ultimate (ancien nom de Rare) avait faite à "Knight Lore", et dans laquelle on jouait un robot devant réactiver 24 chambres d'hibernation dans un vaisseau spatial. D'ailleurs, à l'époque, "Sepulcri" avait été traité dans des critiques bâclées comme un énième clone des jeux de Ultimate, mis dans le même sac que le soporifique "Molecule Man" ou l'amateur "Sweevo's World".

C'était une erreur : "Sepulcri" est bien plus qu'un simple clone de "Knight Lore" ou "Alien 8".