samedi 28 septembre 2013

Antichamber (Steam) Alexander Bruce

Il est curieux qu'autant de critiques citent "Portal" pour décrire "Antichamber".

Bien sûr, le parallèle se comprend aisément : dans les deux cas on a affaire à un jeu d'action/puzzles en 3D à la première personne situé dans des espaces clos, artificiels et stériles, où l'on doit domestiquer un étrange pistolet pour progresser en résolvant divers problèmes ; le tout saupoudré par des éléments de jeu de plateformes et parsemé de petits panneaux stylisés affichant des indices.


Les similitudes s'arrêtent cependant là. En effet, "Portal" est sur le fond un jeu très "sage" structuré de façon très classique : il est rigoureusement linéaire, ses problèmes sont segmentés en chapitres de façon "étanche" (impossible d'emporter des objets de l'un pour résoudre l'autre), ses mécaniques ludiques sont toujours explicites et bien lisibles, ses nouveaux éléments sont introduits très progressivement pour nous laisser le temps de les assimiler, ses niveaux sont à cette fin regroupés par thèmes, ses solutions sont uniques et "téléphonées" plus ou moins subtilement, son objectif et son antagoniste (que l'on affronte à la toute fin) sont clairement identifiés dès le début, etc.

Bref, "Portal" est en réalité une "simple" réactualisation des vieux jeux d'action/puzzles avec gimmick comme "Fire 'n Ice" (NES) ou "Mole Mania" (Game Boy), le modèle étant ici modernisé afin de générer moins de frustration, de blocage ou de confusion que les classiques d'antan - le jeu utilise d'ailleurs beaucoup d'outils très ordinaires comme des caisses, des interrupteurs, des ascenseurs, des plateformes mouvantes, des tourelles automatiques...
Ce modèle éprouvé convient bien à "Portal" car il est très efficace, mais surtout, sa grande accessibilité était nécessaire au succès du jeu : "Portal" et "Antichamber" sont en effet comparés pour les raisons que j'ai énumérées plus haut, mais aussi et surtout pour leur caractère transgressif ; or, dans "Portal", la transgression repose toute entière sur le pistolet à portails, c'est de lui que viennent l'originalité et le génie du jeu, mais son concept est tellement puissant et déroutant qu'il avait besoin d'être corseté et guidé pour pouvoir être appréhendé correctement par les joueurs de l'époque, le classicisme du cadre ludique et l'énorme potentiel du pistolet s'équilibrant ainsi idéalement.

"Antichamber", c'est le contraire, il ne respecte aucun des critères que l'on vient de citer, il est tout entier surprise et transgression, et autant l'on pouvait rêver de transposer le pistolet de "Portal" dans à peu près n'importe quel jeu (voire dans la réalité, le dernier segment de "Portal" exploite très bien cette idée), autant les pistolets de "Antichamber" n'ont de sens que dans "Antichamber".