jeudi 2 juillet 2015

New Super Mario Bros. 2 (3DS) Nintendo

L'illustre série des "Super Mario Bros." est une des plus intéressantes qui soient à analyser. C'est d'abord dû à sa qualité et à son influence, puis au fait qu'elle a connu toutes les périodes vidéoludiques depuis les débuts du jeu sur console jusqu'à aujourd'hui, mais aussi à sa lisibilité : au contraire des pérégrinations de son ancien rival de chez SEGA, il est assez facile d'en dégager une cohérence globale d'évolution, avec des tendances nettes.

En effet, on peut déjà observer une progression degré par degré dans la série en deux dimensions, depuis un "Super Mario Bros." très orientée "arcade" jusqu'à un "Super Mario World" au gameplay très écrit, organisé et thématique, pour ne pas dire scripté : même si l'adresse reste leur sujet central, les jeux planifient toujours plus précisément ce que le joueur doit traverser voire même ressentir, passant en quelque sorte du modèle du parcours d'obstacles à celui du manège. Il est d'ailleurs frappant de constater cette évolution à l'intérieur de "Super Mario Bros. 3", avec un début "arcade" et une fin relevant parfois du jeu de puzzles.
Vient ensuite la 3D et sa révolution, à laquelle répond "Super Mario 64" en proposant des environnements libres et riches avec des missions multiples, signant l'acte de naissance du jeu en open world ; suivi de l'évolution de "Super Mario Sunshine", qui provoque soudain une rupture nette : jugé trop complexe par Nintendo, le jeu entraînera la volonté de rapprocher la série en 3D de la logique et de l'accessibilité de la série en 2D, d'abord avec "Super Mario Galaxy", dont le concept de gravité relative, la mise en scène très poussée, le ton poétique et la multiplication des mécaniques ludiques dissimulent en réalité la volonté d'encadrer la caméra et la progression du joueur, puis avec "Super Mario 3D Land" et sa suite "Super Mario 3D World", qui ont revendiqué le retour triomphal du bouton de course et tout ce qui va avec.


Mais, alors que la série approche de son trentième anniversaire et s'apprête peut-être à franchir une nouvelle étape décisive avec "Super Mario Maker" (du moins dans son versant 2D), une partie de la saga reste bien souvent volontairement snobée quand on évoque son héritage, alors que cette série dans la série s'est spectaculairement bien vendue à comparer des autres volets ; et au sein même de cette série méprisée, un jeu en particulier est toujours ignoré : je veux parler de "New Super Mario Bros. 2", qui passe pour l'épisode le plus dispensable de la série alors qu'il en est à mon avis l'opus le plus important, pour ce qu'il fait et (hélas) pour ce qu'il ne fait pas. Mais dans un premier temps, resituons le contexte avec les deux premiers "New Super Mario Bros." !

New Super Mario Bros. (Nintendo DS) 2006

La série des "New Super Mario Bros." a une image mitigée. D'un côté, le soin qui y a été apporté et son savoir-faire global ne sont pas remis en cause, mais de l'autre, elle est pour beaucoup une ombre de la saga des "Super Mario Bros.", une version aseptisée, purement commerciale et peu ambitieuse d'une série de jeux historiques qui auraient mérité mieux.

Le premier jeu sorti avec le préfixe "New" est en bonne partie responsable de cet état de fait. Pour comprendre le rejet dont il a été l'objet, il faut se remettre dans le contexte de l'époque : lors de la génération de la GameCube et de la Game Boy Advance, les amateurs de "Super Mario Bros." en deux dimensions étaient frustrés ; le jeu en 2D semblait ne jamais devoir revenir sur console de salon, et Nintendo refusait obstinément de sortir un successeur à "Super Mario World" sur console portable, préférant y recycler les épisodes SNES, dont une partie des remakes des épisodes NES inclus dans "Super Mario All-Stars".

Quand "New Super Mario Bros." a été annoncé sur Nintendo DS, l'attente était donc extrêmement élevée : les gens voulaient ce qu'ils n'avaient pas eu sur Game Boy Advance, une espèce de "Super Mario Bros. 5" qui prenne acte de l'évolution du jeu vidéo et de l'héritage de la série, qui à la fois prolongerait et renouvellerait la saga Mario... alors que Nintendo avait conçu le projet presque exactement inverse : "New Super Mario Bros." devait d'abord s'adresser aux gens qui n'avaient pas joué aux jeux vidéo depuis la NES (ou qui n'y avaient jamais vraiment joué), et faire référence au "Super Mario Bros." original afin de retrouver sa simplicité, sa pureté ludique, son accessibilité... et son potentiel de vente.


Pour bien mesurer ce décalage entre les joueurs et Nintendo (dont les choix d'alors ont été explicités dans le "Iwata demande" sur "New Super Mario Bros. Wii"), on doit se souvenir que Nintendo avait déjà théorisé et appliqué une ouverture aux non-joueurs qui avait fait le succès de la Nintendo DS et annonçait celui de la Wii. Dès la fin de vie de la GameCube, le diagnostic était très clair : Satoru Iwata comme Shigeru Miyamoto martelaient en effet que les jeux et leurs contrôles étaient devenus trop complexes pour le grand public (chose qu'ils ont vécue avec "Super Mario Sunshine"), et le succès de l'orientation de la Nintendo DS puis de la Wii, puis le succès de "New Super Mario Bros.", puis de la "vague rétro", et enfin du jeu sur smartphone et tablette leur a donné raison.

Cependant, pour les joueurs d'alors, que Nintendo propose des jeux pour ce public était une chose, mais que "Super Mario Bros." soit altéré pour lui plaire en priorité en était une autre. En fait, on pourrait même dire que "New Super Mario Bros." a été le point de départ des profonds sentiments de défiance, d'abandon voire de trahison ressentis par une partie des joueurs envers Nintendo, qui auront perduré pendant toute la génération de la Nintendo DS et de la Wii, et que la compagnie cherche encore à corriger en 2015.

Il y aurait beaucoup à dire sur les excès et les injustices liés à ces sentiments, Nintendo ayant en réalité cherché depuis toujours à s'adresser à tous, et au-delà, à éduquer le grand public. Car en interne, "New Super Mario Bros." était moins vu comme un jeu qui substituerait une cible marketing à une autre que comme un "bridge game", un jeu destiné à attirer les joueurs occasionnels et les non-joueurs et à leur donner le goût du jeu : pour caricaturer, on les fait commencer par "Programme d'entraînement cérébral", on continue avec "New Super Mario Bros.", et on finit avec "Metroid Prime Corruption".

De ce point de vue, force est de constater que les ambitions de Nintendo ont échoué, ou en tout cas ne se sont pas traduites par des ventes pour ses jeux les plus élitistes ou pour les consoles Nintendo qui ont suivi : l'essentiel du public visé a depuis privilégié les jeux sur smartphone et tablette, qui correspondent parfaitement à ses besoins et ont l'avantage de ne pas exiger l'achat d'une machine de jeu dédiée ; Nintendo devant désormais aller chercher ce public sur ce terrain-là, d'où son partenariat avec DeNA.


Tout cela explique les ventes spectaculaires de "New Super Mario Bros." en dépit du fait que les joueurs le considèrent en général comme le pire "Super Mario Bros." de tous les temps ; et la méfiance voire le ressentiment que certains éprouvent envers la série.

En pratique et avec le recul, qu'en est-il ?

Pour ma part, quand j'ai découvert "New Super Mario Bros." lors de l'été 2009, soit trois ans après sa sortie, j'y ai joué comme un somnambule, en "pilotage automatique", sans rien ressentir de spécial en dehors de quelques pointes d'agacement face à certains choix de level design ; et je l'ai vendu sans regret aussitôt après l'avoir fini à 100%. Le jeu était tellement facile et surtout téléphoné (même pour la quête annexe des pièces étoile) que je n'y ai vu qu'un passe-temps un peu ennuyeux ; mais en y rejouant en 2015, même s'il se révèle meilleur que dans mon souvenir, ce qui me marque avant tout est à quel point le jeu ne fait pas "Super Mario".

Pour une série à qui on reproche souvent sa stagnation, le premier épisode des "New Super Mario Bros." est en effet bizarrement décalé par rapport à "Super Mario Bros.", comme si un studio externe avait voulu copier la saga sans y parvenir. Le jeu fait des références appuyées au "Super Mario Bros." original, avec l'horizontalité de la plupart de ses niveaux (sans l'amplitude du scrolling multidirectionnel de "Super Mario Bros. 3", par exemple), avec sa sobriété (pour ne pas dire son dépouillement), avec ses combats classiques contre Bowser, etc. mais il comporte aussi beaucoup d'ennemis que l'on n'a jamais vus auparavant et que l'on ne verra plus après (et dont le design jure quelque peu), d'autres ennemis que l'on avait croisés une seule fois dans un jeu en 3D (et qui choquent dans un jeu en 2D), des graphismes génériques voire médiocres qui ne retrouvent pas le style emblématique de la série, des boss atypiques, et surtout, une logique de gameplay très différente des "Super Mario Bros." en 2D précédents.

À sa source, "Super Mario Bros." est un jeu de plateformes à inertie basé sur l'adresse, qui aurait sa place dans une salle d'arcade (et qui y a d'ailleurs fait un tour par le biais de sa version "Vs."). Ses mécaniques sont très simples, mais exigent de bien planifier et maîtriser son élan, qui est la clef du défi et du level design du jeu, comme l'élan était déjà en 1984 la clef du prédécesseur direct de "Super Mario Bros.", "Pac-Land" (et comme l'inertie était auparavant la clef de "Lunar Lander" ou "Asteroids").


On joue à "Super Mario Bros." en courant par défaut, emporté par son élan, en faisant se faufiler Mario entre les ennemis, ajustant sa vitesse sur le fil du rasoir pour rebondir de corniche en piton rocheux et de plateforme mobile en ennemi volant. Ralentir, être méthodique ou explorer sont des options facultatives, une stratégie de survie alternative ou une prise de détour qui pimente le jeu grâce à quelques secrets. Comme ce sera le cas plus tard avec "Super Meat Boy", un accord tacite lie le jeu et les joueurs : on sait que tout est toujours arrangé de façon à ce que l'on puisse tout traverser en courant.

"New Super Mario Bros." n'a rien à voir avec ça. Mario y est lent, Mario y est lourd, Mario y met trop de temps à atteindre sa vitesse maximale de course et a très peu d'opportunités de le faire, d'autant plus que l'action est très zoomée, et l'on anticipe donc mal les obstacles. Le jeu n'est en réalité pas conçu sur le modèle du parcours d'obstacles, mais sur celui, plus tardif, du parc d'attractions : ses niveaux sont divisés en zones nettement définies, parfois séparées concrètement par des portes ou des tuyaux, qui proposent chacune une activité spécifique souvent facultative - ce peut être un puzzle, l'appréhension d'un nouvel ennemi ou mécanisme, un petit défi d'adresse ou de timing, de l'exploration, etc.

Ce modèle n'est pas mauvais en soi, après tout, c'est globalement celui des mascot platformers en 3D, des "Yoshi's Island" et des "Wario Land" ; le problème est qu'il entre ici en conflit avec l'habillage ludique et thématique référençant lourdement les origines de la série : déjà, il est légitime d'estimer avoir été floué en ne retrouvant pas vraiment la logique des "Super Mario Bros." de la NES, mais surtout, non seulement le gameplay d'adresse de la série originale ne peut pas s'exprimer dans un jeu lent, zoomé et divisé en zones nous contraignant sans cesse à nous arrêter, mais la formule du parc d'attractions elle-même pâtit du minimalisme du jeu qui copie à contre-emploi le "Super Mario Bros." original !

Si "Super Mario Galaxy", "Yoshi's Island" et "Wario Land II" sont si réussis et si divertissants, c'est d'abord parce que sur le plan ludique, leurs capacités d'interaction avec l'environnement sont riches, et sur le plan thématique, ils ont des univers excentriques permettant beaucoup de fantaisie et de créativité dans la conception de leurs "attractions". "New Super Mario Bros.", lui, est par choix visuellement et thématiquement très épuré, et ne dispose comme outils d'interaction que d'un bouton de saut, un bouton de course à peu près inutile, et un usage rigide des powerups, ignorant les progrès de "Super Mario Bros. 3" ou "Super Mario World". On perd donc sur les deux tableaux puisque le level design et la maniabilité du jeu ne correspondent pas à son minimalisme : d'un côté, le level design et la maniabilité ne permettent pas de renouer avec les racines "arcade" ou "jeu d'adresse" de la série, et de l'autre, le minimalisme handicape la formule du parc d'attractions pourtant adoptée par le level design et la maniabilité...


"New Super Mario Bros." réalise en fait l'exploit contraire de "Super Mario World", qui quant à lui gagnait sur les deux tableaux : sa maniabilité spectaculairement nerveuse et souple (d'ailleurs reprise par "Super Meat Boy") sublimait son aspect "adresse", et son univers très riche, servi par des graphismes "cartoon" en rupture d'avec les épisodes précédents, permettait une grande créativité dans ses défis et situations, même s'il n'allait pas jusqu'à suivre complètement le modèle du parc d'attractions.

Ce problème est de plus aggravé par la volonté de rendre le jeu accessible à tous, résultant en des activités tellement dépouillées de mécaniques, de mise en scène ou de difficulté qu'elles relèvent presque de la "manivellite" (terme que j'utilise pour désigner les actions sans exigence, comme par exemple appuyer de façon répétée sur un bouton pour soulever une herse). Pour un enfant ou un joueur occasionnel, remarquer un mini-tuyau dans le décor, cogner systématiquement tous les blocs point d'interrogation aux alentours jusqu'à trouver un mini-champi, entrer dans le tuyau et obtenir une pièce étoile simplement en utilisant les propriétés de mini Mario (courir sur l'eau, saut aérien) peut être divertissant ; mais pour un joueur confirmé, c'est au mieux du pur remplissage et au pire une perte de temps - et le jeu est rempli de ce genre de chose.

"New Super Mario Bros." n'est pas un mauvais jeu. En y rejouant, j'ai été surpris par sa qualité et par sa capacité à se renouveler malgré son minimalisme ; j'aime aussi beaucoup son atmosphère détendue et joyeuse, que l'on retrouvera sur Wii. Et puis, c'est un jeu qui a atteint le but qu'on lui avait fixé : en réalisant des recherches, j'ai lu de nombreux commentaires de gens confiant avec nostalgie qu'il avait été leur premier jeu vidéo, parfois joué pendant l'enfance. Alors, même si ces personnes ajoutaient en général qu'elles ont ensuite réalisé que c'était probablement le pire "Super Mario Bros.", il faut quand même lui témoigner du respect...

New Super Mario Bros. Wii (Wii) 2009

"New Super Mario Bros. Wii" peut à mon avis être résumé en trois points :
  • D'abord, et il faut bien se souvenir de ça, il est sorti à une époque où il était incongru de produire et distribuer un jeu de plateformes en 2D "en boîte" sur console de salon.
  • Ensuite, tous les choix de game design modifiés depuis "New Super Mario Bros." ont pour but de corriger les problèmes mentionnés ci-dessus, ce qui honore Nintendo (peu d'éditeurs en auraient fait autant après un tel succès).
  • Enfin, et c'est lié au point précédent, le jeu peut maintenant se jouer entièrement à quatre joueurs simultanément, ce qui est une révolution dans le genre.
J'aime énormément ce jeu, j'ai un lien affectif fort avec lui.


J'ai dans ce blog déjà beaucoup évoqué ce que j'appelle la "vague rétro", je ne m'étendrai donc pas trop là-dessus : au cours des années 2000, on a pu observer une résurgence du jeu ludiquement rétro en deux dimensions, d'abord dans le circuit indépendant, puis légitimée par Capcom quand la firme a sorti "Megaman 9" au format téléchargeable en 2008 sur toutes les consoles de salon. Nintendo a participé à ce mouvement avec "Wario Land : the Shake Dimension" la même année, qui non seulement était un jeu en 2D vendu en boîte sur Wii mais se payait en plus le luxe de se contrôler avec la Wiimote seule tenue sur le côté à la façon d'un pad NES ; puis la compagnie a voulu transformer l'essai un an plus tard, portée par les ventes de "New Super Mario Bros.", en ramenant donc le "Super Mario" 2D "en boîte" sur console de salon après deux générations d'absence.

Il ne faut pas sous-estimer la transgression que cela signifiait à l'époque. On n'était pas encore sorti de la mentalité comme quoi la 3D pouvait faire tout ce que faisait la 2D et davantage, et que la création d'un jeu en 2D ne demandait que peu d'investissement et de talent : tout au plus ces jeux, quand ils sortaient ailleurs que sur console portable, étaient tolérés au format téléchargeable et à très vil prix (voire gratuitement sur PC), toute autre situation étant aussitôt qualifiée d'arnaque - on était alors loin de l'engouement populaire et critique pour "VVVVVV", "Super Meat Boy" ou "Shovel Knight".

Le succès de "New Super Mario Bros. Wii" a contribué très fortement à changer le regard porté sur le jeu en 2D, même si la Wii, de par son modèle économique, avait déjà hébergé des jeux en 2D au format boîte comme "Trauma Center : Second Opinion" ou "Geometry Wars Galaxies". Quelles qu'aient été les très grandes qualités de ces jeux, c'est le retour du Mario bidimensionnel sur grand écran qui aura démontré la pertinence ludique et la viabilité financière du format, et qui aura rapidement entraîné la sortie de "Rayman Origins" et "Rayman Legends", dont le jeu à quatre joueurs est d'ailleurs copié sur "New Super Mario Bros. Wii".

Depuis, la 2D est redevenue un format ludique légitime, et Nintendo sort régulièrement des jeux 2D "en boîte" sans que quiconque trouve cela anormal ("Kirby's Epic Yarn", "Kirby's Adventure Wii", "Donkey Kong Country : Tropical Freeze") ; cela est moins vrai pour la concurrence, mais c'est plus dû à la généralisation du format dématérialisé qu'à une quelconque ostracisation.


Ceci étant dit, qu'en est-il du jeu lui-même ? Je le dis tout net, "New Super Mario Bros. Wii" est ludiquement largement différent de "New Super Mario Bros." : alors que le level design de celui-ci était segmenté, téléphoné, guidé, contraint au point de conférer un sentiment continu de claustrophobie, celui de "New Super Mario Bros. Wii" est dégagé, tout en retenue, aéré, libre. Cela tient bien sûr à des choix délibérés, mais aussi à plusieurs facteurs empiriques : déjà, l'aire de jeu est nettement plus grande que sur console portable avec un Mario comparativement petit, et elle s'affiche qui plus est dans un format 16/9, ce qui permet au joueur de bien pouvoir anticiper ce qui l'attend. Comme le jeu doit de surcroît être jouable avec quatre joueurs simultanés, le level design est non seulement peu chargé, avec toujours un certain espace entre ses obstacles, mais il cherche de plus à toujours proposer plusieurs chemins alternatifs. La puissance de la Wii comparée à celle de la Nintendo DS permet enfin de gérer les niveaux du jeu de façon continue, sans les morceler avec les basculements de zone incessants dus aux limites de la mémoire de la console portable.

La physique de Mario ne change pour ainsi dire pas entre les deux jeux, mais ces éléments changent cependant radicalement la logique ludique de "New Super Mario Bros. Wii" : on y est toujours incité à courir, à improviser en fonction de ce qui s'offre à nous sans casser son élan, et ce d'autant plus que le jeu ajoute un mouvement de pirouette effectué en secouant brièvement la Wiimote, permettant d'ajuster ses sauts en plein vol et servant donc de sécurité, d'encouragement à toujours foncer. S'arrêter pour interagir avec un élément du décor redevient ainsi un choix motivé par la curiosité, et n'est plus le prochain arrêt obligé du parcours guidé d'un parc d'attractions rendu rébarbatif par sa trop grande linéarité : ici, on est plus dans un "terrain de jeu" qui valorise l'adresse sans pour autant négliger la fantaisie, notamment grâce à un usage bien intégré des capacités de la Wiimote (le tilt, en particulier : certains segments exploitent intelligemment l'inclinaison de la manette).

"New Super Mario Bros." mettait lourdement en avant ses "secrets", "New Super Mario Bros. Wii" fait semblant de les cacher, voire les cache franchement, pour laisser intactes la joie et la fierté de la découverte. Les pièces étoile non dissimulées dépendent quant à elles de véritables défis d'adresse, qui sans être nécessairement difficiles constituent au moins une prise de risques réelle. Si on doit revenir dans un niveau déjà défriché pour y collecter une pièce étoile qui nous manque, reparcourir le terrain déjà exploré n'est plus une corvée grâce à un level design qui permet d'y faire des acrobaties (sinon des prouesses) écourtant et égayant notre trajet.


"New Super Mario Bros. Wii" ressemble en fait beaucoup à une synthèse de la série en 2D. D'abord, il reprend comme structure le modèle du parcours d'obstacles du premier "Super Mario Bros.", avec une grande importance accordée à l'élan et à l'inertie dans un décor strictement réduit à ses éléments ludiques, proche des principes du jeu d'adresse typé "arcade".
Ensuite, on y retrouve le thème des quatre joueurs partant à l'aventure propre à "Super Mario Bros. 2" (l'occidental), ainsi que la possibilité de porter des objets (en s'approchant d'eux et avec une impulsion de la Wiimote tout en laissant le bouton de course appuyé, ce qui devient très vite naturel) pour des séquences de jeu plus posées et souvent inventives (usage de tonneaux, objets lumineux nous éclairant dans le noir, porter les autres joueurs, etc.) et tenant parfois quasiment du jeu de puzzles.
Les Koopalings et les combats de boss minimalistes de "Super Mario Bros. 3" reviennent également, ainsi que la carte et ce qui va avec (ennemis itinérants, par exemple) et le fameux vaisseau de combat volant de Bowser ; mais "New Super Mario Bros. Wii" rappelle surtout le troisième volet de la série originale par son facteur d'improvisation : au milieu de notre course effrénée, on est constamment invité à arbitrer entre différentes options, différents styles de jeu et différentes stratégies de parcours, le jeu exigeant de l'initiative en plus de l'adresse et conférant ainsi un fantastique sentiment de liberté.
Et enfin, il emprunte à "Super Mario World" ses maisons fantômes, l'assistance de Yoshi, la créativité de son level design utilisant de nombreux mécanismes originaux, ainsi que le choix d'un style graphique très propre et stylisé, comme une espèce de jeu 8-bit ultra détaillé, avec un léger aspect texturel donnant l'impression que l'image est imprimée sur du papier.
Le jeu fait même des clins d'œil à "Yoshi's Island" avec des combats de boss altérés par la magie de Kamek !

En plus de tout cela, "New Super Mario Bros. Wii" (comme déjà son prédécesseur) étoffe la palette des actions de Mario avec des mouvements tirés de la série en 3D, comme le triple saut et surtout le saut mural, qui ont ici bien plus la place de s'exprimer que sur Nintendo DS et qui permettent au level design de jouer avec la verticalité de certains niveaux.
L'impression générale, qui rappelle d'abord le premier "Super Mario Bros.", est donc résolument distincte sur le fond comme sur la forme de "New Super Mario Bros." malgré des points communs évidents, ce dernier étant à comparer bien plus proche d'un jeu de plateformes 16-bit générique. Que l'on adhère ou non à cet opus sur Wii, il ne crée pas le même malaise que l'épisode fondateur des "New" sur Nintendo DS.


Cette réussite n'allait pas de soi. Conscient de la déception des joueurs historiques avec "New Super Mario Bros.", Nintendo devait réussir un grand écart particulièrement périlleux : il fallait rassurer et renouer avec les joueurs toujours désireux d'obtenir enfin leur "Super Mario Bros. 5", sans s'aliéner les nouveaux joueurs acquis grâce à l'épisode Nintendo DS. À cette fin, deux solutions ont été mises en pratique : le "Super Guide" et le jeu multijoueur local.

Il est amusant de se souvenir des critiques énoncées à l'époque envers ces deux nouveautés, très révélatrices du climat d'alors : le "Super Guide" a été dénoncé par certains comme l'illustration de la baisse de niveau opérée par Nintendo pour plaire aux joueurs occasionnels et aux non-joueurs, alors qu'il a au contraire été conçu pour permettre de rendre le jeu plus difficile (et sera repris par "Donkey Kong Country Returns" de Retro Studios qui est quasiment un hardcore platformer) ; et le reproche envers le multijoueur purement local et non en ligne aura pollué toutes les discussions à la sortie du jeu, dominant parfois des critiques professionnelles entières et justifiant une sanction dans leur note, alors qu'aucune mention n'a été faite de l'exacte même décision prise plus tard par "Rayman Origins" et "Rayman Legends" (pour les mêmes raisons évidentes, le lag et la convivialité), et ce malgré le fait qu'ils sont sortis sur des systèmes à l'infrastructure en ligne nettement supérieure, voire carrément d'une génération différente.

Le "Super Guide" est un principe simple correspondant parfaitement à l'évolution du jeu vidéo : si on échoue plus de sept fois à un niveau donné, un bloc apparaît ; si on l'active, Mario se transforme en Luigi et joue à la place du joueur, arrivant indemne jusqu'à la fin du niveau, mais sans trouver aucun secret et sans ramasser de pièce étoile ; il permet alors de continuer l'aventure en ouvrant l'accès aux niveaux suivants, mais le niveau ainsi passé n'est pas comptabilisé comme ayant été vaincu. En somme, il s'agit d'une vidéo de "walkthrough" incluse dans le jeu, sauf que l'on peut reprendre la main quand on le souhaite avec la pression d'un bouton (le niveau, même fini en reprenant la main, ne sera pas considéré comme vaincu).

Ce guide a donc servi de "parachute" à Nintendo pour accroître la difficulté du jeu sans craindre de rebuter ou frustrer leur nouveau public (l'obtention des pièces étoile, facultative, a aussi été rendue plus dure), mais il joue également le rôle d'épée de Damoclès pour les joueurs confirmés...


En effet, si le bloc du "Super Guide" apparaît dans le jeu à n'importe quel moment, le fichier de sauvegarde du joueur en gardera la marque (les étoiles qui y indiquent sa progression ne scintilleront plus), avec le sous-entendu qu'un joueur digne de ce nom a cinq étoiles scintillantes. J'ai raté cet objectif lors de ma première partie, mais à l'occasion de cet article j'en ai démarré une nouvelle et ai fini par l'accomplir enfin : sans rendre le jeu véritablement ardu, il ajoute une pression plutôt bienvenue.

Un autre facteur d'accessibilité et de réconciliation des deux publics (joueurs novices et confirmés) est le jeu multijoueur, vraiment ambitieux : au lieu de simplement créer un jeu avec différents niveaux de lecture, chacun s'adressant à différents types de joueurs, Nintendo a cherché à faire jouer tout le monde ensemble - le "gamer" avec son conjoint, les enfants avec les parents, etc. ; l'idée principale étant que le propriétaire de la console profite de son loisir avec ses proches et transmette sa passion. Les règles du jeu multijoueur sont ainsi conçues de manière à ce qu'un novice puisse accompagner un "bon" joueur sans avoir trop de difficulté à le suivre, notamment grâce à la bulle dans laquelle on peut s'enfermer à tout moment afin de rester en sécurité ou ne pas gêner.

On retrouve ici encore la volonté de Nintendo d'éduquer le public occasionnel ou non-joueur : que ce soit avec le "Super Guide" qui illustre comment passer un niveau où l'on est bloqué, ou en jouant avec un joueur confirmé, ou en débloquant au cours du jeu des vidéos "Super Skills" où des employés de Nintendo effectuent d'impressionnantes acrobaties (prouvant que le jeu est bel et bien construit pour que l'on puisse y courir sans cesse, avec parfois des séquences d'enchaînement d'étoiles d'invincibilité ou d'autres subtilités), on est constamment encouragé à s'améliorer dans "New Super Mario Bros. Wii".

Ceci dit, "New Super Mario Bros. Wii" n'est pas exempt de reproches. Sur le fond, il a beau prendre garde à ne pas courroucer les "vieux" joueurs, il n'a rien d'un "Super Mario Bros. 5", et tout découle de là : sa modestie générale, sa façon de ne jamais s'éloigner de l'esprit du tout premier épisode de la série tant sur un plan ludique (malgré toutes ses trouvailles) que visuel, son absence totale de mise en scène ; tout cela va à rebours de la suite que certains voulaient imaginer à "Super Mario World", et pour cause : pour Nintendo, "New Super Mario Bros. Wii" n'est pas une évolution mais une régression, ce n'est pas la prochaine étape mais un retour aux bases ; la suite des ambitions de "Super Mario World" est pour eux déjà sur Wii : c'est "Super Mario Galaxy".


Dans le contexte de l'époque, on peut comprendre la frustration de certains joueurs : la vague rétro n'en était qu'à ses débuts, et ceux qui ne boudaient alors pas le jeu en 2D avaient un appétit non rassasié pour un gameplay "à l'ancienne" dur et audacieux, qui trancherait d'avec le game design 3D dominant tout en faisant néanmoins preuve d'ambition et de modernité...
"New Super Mario Bros. Wii", avec sa familiarité, sa décontraction, son ambiance festive et ses petites pointes de difficulté basées sur l'endurance et sur un nombre limité de vies (cf. la menace du "Super Guide"), en opposition totale avec la formule montante du hardcore platformer, n'était pas un bon candidat pour répondre à cette demande... mais ce jeu a pavé le chemin qui a conduit à la sortie de "Donkey Kong Country Returns" et sa suite, qui eux y répondent en tout point ; et de nombreux autres jeux tiers, comme "Super Meat Boy" ou "Shovel Knight", ont depuis fait de même. Peut-être peut-on maintenant enfin juger ce jeu pour ce qu'il est et non pour ce qu'il n'est pas ?

Avant de passer à la suite, un petit mot pour évoquer la suite directe du jeu Wii, "New Super Mario Bros. U" : on peut argumenter sans difficulté que ce jeu est le meilleur de la série, mais pour ma part, "New Super Mario Bros. Wii" reste mon préféré des "New" : certes, le jeu Wii U est graphiquement plus détaillé, bien plus nerveux, plus difficile, davantage mis en scène, et contient le meilleur powerup de tous les "Super Mario Bros." (le costume d'écureuil volant, alors que l'hélice du jeu Wii est le pire), mais il est toujours soumis aux mêmes contraintes que sur Wii, en particulier le jeu à quatre, qui impose le même type de level design. Ainsi, en dépit de sa créativité et de sa qualité, le jeu reste une redite avec un rythme trop lâche, des décors trop grands, etc. et la difficulté accrue fait ressortir ces défauts, les rend plus irritants, alors que la décontraction du jeu Wii composait harmonieusement avec : ici, le jeu semble en quelque sorte ne pas aller au bout de ses intentions dans un entre-deux bancal.
J'aime "New Super Mario Bros. Wii", mais pas en tant que jeu d'adresse que l'on jouerait pour quelques minutes de défi nerveux, il n'est pas conçu pour ça et, joué ainsi, paraît trop nonchalant et un peu ennuyeux : j'aime d'abord son humeur joyeuse, son cadre enfantin et accueillant, son rythme posé, et j'aime le reconquérir depuis son tout début petit à petit, niveau par niveau, pièce étoile par pièce étoile, passage secret par passage secret, sans jamais voir le bloc du "Super Guide". Le jeu Wii U, en étant plus agressif, plus complexe et plus exigeant, casse ce ton, cette cohérence et cet équilibre. Nintendo semble d'ailleurs s'en être rendu compte puisque six mois après sortait "New Super Luigi U", qui lui change vraiment la formule en se rapprochant du platforming "hardcore" (temps très limité, niveaux plus courts, maniabilité fébrile, défi plus épicé), assumant ainsi pleinement les choix précédents pour un gameplay beaucoup plus dense. Mais pendant ce temps, sur Nintendo 3DS, d'autres innovations avaient eu lieu...

New Super Mario Bros. 2 (Nintendo 3DS) 2012

Nous voici donc au cœur du sujet - "New Super Mario Bros. 2" n'est rien de moins qu'une tragédie.


On l'a vu, "New Super Mario Bros." sur Nintendo DS et "New Super Mario Bros. Wii" sont en réalité très différents, et on verra que "New Super Bros. 2" est sur le fond une complète révolution des bases de la série des "Super Mario Bros.", un changement de paradigme comme on n'en ose que rarement. Mais pourtant, et bien qu'il n'en soit que le troisième volet, il a la réputation d'être l'opus de trop de la série, le symbole de sa stagnation, l'épisode superflu n'ayant rien de spécial à dire ; et on ne peut reprocher ni aux joueurs ni aux critiques de penser cela, tellement le jeu comporte un fond ludique mal géré et mal présenté par rapport à sa structure (modes, options, guides de performance)...

Cette image de redondance date de l'annonce même du jeu. Il faut se souvenir du contexte : "New Super Mario Bros. Wii" est sorti en novembre 2009 ; sept mois plus tard, "Super Mario Galaxy 2" (qui lui-même était quasiment un add-on sur disque) débarquait dans les magasins ; cinq mois après, en novembre 2011, "Super Mario 3D Land" consolidait le démarrage de la Nintendo 3DS ; avant cela, la Wii U avait été annoncée et présentée à l'E3 2011 avec un jeu de démonstration, "New Super Mario Bros. Mii", qui allait ensuite devenir "New Super Mario Bros. U" puis sortir en même temps que la console en novembre 2012...

Bref : quand "New Super Mario Bros. 2" a été dévoilé début 2012 avec une sortie prévue en août sur Nintendo 3DS, soit trois petits mois avant le jeu Wii U, on était en pleine saturation de jeux Super Mario (sans compter les hors-série) : cinq jeux en trois ans, du jamais vu ; et parmi ces jeux, seul "Super Mario 3D Land" ne reprenait pas une formule connue. Qui plus est, ce dernier avait un gameplay 3D particulier faisant un excellent usage du relief de la 3DS - autant dire que le design 2D de "New Super Mario Bros. 2" en prenait un certain coup de vieux, surtout que les joueurs désireux d'un nouveau "New Super Mario Bros." étaient logiquement plus intéressés par l'épisode Wii U, celui-ci portant tout le potentiel d'une nouvelle console de salon (enfin) en HD.

Dans ce planning trop chargé, "New Super Mario Bros. 2" était clairement l'épisode incongru, dont la pertinence a fatalement été questionnée... jusqu'à ce que l'on se souvienne des ventes du premier "New Super Mario Bros." sur Nintendo DS - l'objectif du jeu semblait alors limpide...


C'est ainsi qu'avant même que l'on connaisse son contenu, le jeu a promptement été jugé comme un produit destiné uniquement à "faire du chiffre" et rassurer les actionnaires. Et ce ne sont pas les premières informations concrètes qui ont changé grand-chose ; d'apparence en gros identique sur le fond et la forme à "New Super Mario Bros. Wii" mais avec les limites d'un jeu portable (pas de jeu à quatre, pas de pirouette aérienne ni de saisie d'objets), "New Super Mario Bros. 2" voulait se distinguer par deux choses : le retour du costume de raton laveur, emblème de "Super Mario Bros. 3", et un thème de course aux pièces d'or consistant à rafler la plus grosse somme d'argent possible... mais "Super Mario 3D Land" avait déjà recyclé le très similaire costume de tanuki dans un cadre neuf, et le but affiché de courir après les pièces d'or ressemblait ici au mieux à un gadget, et au pire à une cruelle satire des arrière-pensées de Nintendo...

Pour les deux jeux précédents, je me suis efforcé d'exposer les intentions des développeurs ainsi que leur contexte de travail avant de parler des jeux proprement dit. Je ferai ici l'inverse, pour bien illustrer la contradiction entre la façon dont on appréhende le jeu spontanément d'un côté, et l'esprit dans lequel il a été conçu et dans lequel il faut y jouer pour vraiment l'apprécier de l'autre.

Console en mains, "New Super Mario Bros. 2" rappelle effectivement l'épisode Wii, mais avec les différences déjà citées (on peut ceci dit jouer à deux chacun sur sa console), et avec des altérations venant entre autres du format de la 3DS : le ratio de son écran principal a beau être voisin du 16/9, il est bien sûr plus petit qu'une TV, et l'action est donc zoomée comme sur Nintendo DS ; pour compenser ce champ de vision réduit et ne pas reproduire la lourdeur du premier opus, la physique a donc été modifiée : Mario est plus rapide, semble plus léger, et atteint sa vitesse maximale de course plus vite. Le level design est ainsi plus dense que dans les deux jeux précédents malgré la possibilité de voler avec le costume de raton laveur ; le jeu est beaucoup plus nerveux, plus proche de son modèle revendiqué "Super Mario Bros. 3", d'autant que le gimmick de la ruée vers l'or multiplie les occasions d'inclure des défis annexes, des bifurcations, des éléments cachés, de nouvelles mécaniques, des opportunités.


Dans les deux "New Super Mario Bros." précédents (malgré leurs différences), simplement arriver au bout d'un niveau allait du très facile au ridiculement facile ; c'est la quête des pièces étoile et la découverte des raccourcis entre les mondes qui faisaient toute la substance de leur défi, et dans le cas de "New Super Mario Bros. Wii", qui ajoutaient une réelle tension ludique. En annexe de ces objectifs dont la réussite était encouragée et enregistrée par le jeu (indications sur la carte des niveaux, marques sur le fichier de sauvegarde, messages de félicitation), ramasser des pièces d'or, trouver des éléments cachés comme des champignons 1-up ou des powerups, accomplir des défis chronométrés de collecte de pièces rouges ou bleues, etc. offraient des distractions facultatives, proposées de façon didactique sur Nintendo DS et harmonieusement intégrées en petites parenthèses récréatives sur Wii, où elles ponctuaient plaisamment notre joyeuse course bondissante. On n'avait pas vraiment besoin de ces éléments, mais ils pimentaient notre quête du "100%".

Dans "New Super Mario Bros. 2", les défis auparavant annexes passent au premier plan : au lieu d'épicer un jeu où il n'y a que des pièces étoile et quelques raccourcis à trouver, ils nous projettent dans la logique d'un jeu à scores où l'on est constamment sollicité sur plusieurs fronts, où notre performance est évaluée de façon complète et continue, où l'on doit toujours faire preuve de curiosité et être sans cesse aux aguets. L'or est absolument partout : dans des endroits dangereux, flottant dans le ciel, surgissant comme par enchantement quand on fait atterrir notre héros sur des plateformes en retrait, au-delà d'un tuyau à l'air anodin ou en haut d'un haricot magique, apparaissant sous l'action d'une minuterie "P"... Des éléments familiers ont été adaptés à cette fièvre de l'or : les blocs pièces qui expulsent des pièces quand on les cogne, si on les frappe par en dessous assez vite, peuvent désormais se fixer sur notre tête et devenir une sorte de casque générant d'autant plus d'or que l'on court vite, jusqu'à épuisement de sa cagnotte ! Dans le même ordre d'idées, des anneaux d'or, une fois franchis, transforment pour un temps limité les ennemis en ennemis d'or, rapportant d'autant plus d'or qu'on les élimine à la suite sans toucher le sol (ou en combo avec une même carapace) et se mettant parfois à produire des pièces naturellement (les carapaces de Koopa laissent des traînées de pièces derrière elles, même chose pour les ennemis volants, les Frères Marto et Lakitu lancent des pièces au lieu des projectiles habituels, etc.) - l'action en devient souvent frénétique, d'autant que beaucoup de ces occasions de gagner de l'or sont uniques ; si on les rate, on ne peut les retenter qu'en redémarrant le niveau.


Ajoutons à cela le nouveau costume emblématique du jeu, le "Mario d'or" (ou le "Luigi d'argent"), acquis avec une fleur d'or et qui fonctionne à peu près comme le Mario de feu : notre héros devient grâce à lui capable de lancer des boules dorées explosives qui exterminent les ennemis (dont certains sont autrement invincibles) tout en rapportant des pièces, fracassant les blocs pris dans l'impact et faisant sortir leurs pièces et powerups d'un seul coup. Il permet aussi d'extraire plus d'or des ennemis en réalisant des chaînes, comme pendant l'activation de l'anneau d'or mais sans durée limitée ; et dans le mode "pièces en folie", il double la valeur des pièces étoile et des champignons d'or. Par contre, on perd ce costume automatiquement quand on atteint la fin d'un niveau.

Le level design du jeu, déjà plus dense suite aux changements dans la physique de Mario, devient ici foisonnant grâce à tous ces nouveaux éléments, d'autant qu'il exploite lesdits éléments avec beaucoup d'intelligence et de créativité malgré des ennemis, des obstacles et des mécanismes presque tous déjà vus.
En fait, on pourrait comparer ce que fait "New Super Mario Bros. 2" à la série des "Super Mario Bros." avec la révolution apportée à "Pac-Man" par "Pac-Man CE DX" : sans vraiment changer son cadre, ses ennemis ou ses mécaniques fondamentales, le jeu a complètement bouleversé "Pac-Man" en changeant ses règles. Ici, le potentiel est le même : tout est familier, mais le changement d'objectif modifie en profondeur la dynamique du jeu - ou en tout cas, il aurait dû le faire.

En effet, alors que l'on commence l'aventure principale en se prenant au jeu et en se gorgeant de pièces d'or, on se rend très vite compte d'un petit problème : l'or ne sert strictement à rien. On le collecte parce que le jeu nous dit de le collecter, parce que c'est son thème et parce que les niveaux sont clairement articulés autour de cela, mais aucune mécanique ne nous y contraint ou nous y incite, jamais notre progression ne sera entravée si on ignore totalement l'or - on ne trouve nulle part de "péage".
Même sur le plan de l'évaluation sans contrainte, le jeu mémorise certes la plus grosse masse d'or ramassée dans chaque niveau, mais sans aucune indication : dans certains niveaux j'ai collecté autour de 150 pièces, dans d'autres autour de 600, est-ce que cela représente une prouesse par rapport au potentiel de chaque niveau ? Je n'en sais fichtre rien, et on n'a aucun moyen de le savoir : il n'y a pas de note, de médaille ou de classement attribué à notre performance qui servirait de repère, comme par exemple dans les jeux Sonic modernes.


En fait, la seule base de motivation pour collecter toutes ces pièces est un simple slogan : "Pourrez-vous en attraper un million ?", qui ne vaut guère plus qu'une ligne tracée dans le sable. En pratique, cette "tagline" ne correspond à rien : en parcourant tous les niveaux du jeu (y compris ceux que l'on peut éviter sur la carte) et en essayant d'y rafler le plus de pièces possible, on n'obtient en effet qu'une petite fraction de ce montant extravagant ; et à l'inverse, la somme étant comptée globalement, on pourrait la collecter en totalité sans aller au-delà du premier niveau : j'ai pu ramasser 540 pièces au niveau 1-1, en le refaisant environ 1850 fois, je pourrais donc atteindre le million sans jamais voir le niveau 1-2 ! C'est évidemment un objectif sans intérêt, d'autant que tout le monde savait dès son annonce que sa récompense serait dérisoire (un message de félicitation et un nouvel écran de démarrage).

Les conséquences de cette absence bizarre de guides de performance autour de l'or sont graves puisque cela prive le jeu de sa colonne vertébrale ludique : même avec la meilleure volonté aurifère du monde, l'or redevient naturellement au fil du jeu une distraction annexe, ce qui réduit "New Super Mario Bros. 2" à ce que l'on voyait en lui dès le début, à savoir un épisode banal et dispensable de la série des "New Super Mario Bros." - son plus petit dénominateur commun.

On l'a dit, "New Super Mario Bros. 2" n'apporte pas vraiment de nouvel ennemi ou mécanisme, ni de nouveau costume hormis le Mario d'or calqué sur le Mario de feu ; en fait, il offre moins de choses que ses prédécesseurs : le maxi-champi, le costume de pingouin et l'hélice ne sont plus là, les ennemis originaux de l'opus Nintendo DS et les obstacles "à concept" du jeu Wii non plus... visuellement, le jeu est un peu plus coloré que sur Wii avec un effet relief plutôt réussi pour un jeu au gameplay en 2D (avec des effets de flou et de particules), mais rien de remarquable... les thèmes des niveaux visités sont les mêmes que d'habitude, dans le même ordre... les Koopalings reviennent pour des combats de boss qui sont de simples variantes de ceux sur Wii, les Reznors de "Super Mario World" sont les nouveaux boss des tours mais ils étaient déjà sur SNES les pires boss de la saga et ça ne s'arrange pas ici, au contraire... les combats finaux contre Bowser devenu géant sont très médiocres, on y passe son temps à diriger Mario situé hors de l'écran (alors que le final sur Wii, lui, était grandiose)...


Le jeu a également un gros problème de difficulté : soit on ignore l'or et il est très facile et très fade, soit on le collecte et on croule sous les vies (au point que leur compteur va désormais jusqu'à 1110 vies) ; d'autant que le "Super Guide", ici un simple costume d'invincibilité apparaissant après cinq échecs, n'affecte les marques sur notre fichier de sauvegarde que si on l'utilise - perdre des vies n'est donc plus une menace en soi pour le joueur, au contraire de l'esprit de "New Super Mario Bros. Wii".

Bref, le jeu confère un sentiment de contradiction étrange : d'un côté il tente une nouvelle approche basée sur la performance et le scoring et introduit de nouvelles idées très réussies qui redynamisent "Super Mario Bros." ; mais de l'autre, il musèle ses propres concepts et les vide de leur substance en ne leur laissant aucun débouché ludique, concassant le travail effectué dans un schéma classique qui ne le met pas en valeur. Le jeu donne par ailleurs l'impression d'une expérience décousue : alors que les deux jeux précédents formaient de vrais "tout", avec une vision globale de jeu de plateformes/aventure et des niveaux pensés pour se suivre agréablement avec des éléments conçus "sur mesure", "New Super Mario Bros. 2" paraît morcelé, artificiel, et laisse pour tout dire un fort arrière-goût de "construction kit"...

... et il n'y a rien d'étonnant à cela : le jeu a en effet été construit originellement comme une suite de niveaux épars ; en fait, il n'était même pas au départ un véritable jeu vidéo, mais le produit d'un cours de level design, la "Mario Cram School". Comme expliqué dans l'interview "Iwata demande" consacrée au jeu, le but de ces "cours du soir Mario" était d'apprendre à des employés de divers services comment concevoir des niveaux de "Super Mario Bros." ; ce n'est que longtemps après sa création qu'il a été envisagé de se servir de cette structure pour produire un véritable épisode de la série - d'où ses différences avec le level design de l'opus Wii malgré des "briques de base" similaires, et sa nervosité de "jeu à scores" : l'emphase sur la collecte de l'or et le fonctionnement du nouveau mode "pièces en folie" ont été décidés très tôt dans son cycle de développement.

On pourrait pleurer sur le gâchis que représente le mode principal du jeu, ignorant les fondements mêmes de game design de ses propres niveaux, transformant en épisode standard voire médiocre ce qui aurait pu être un fabuleux spin-off basé sur le scoring ; mais le mode "pièces en folie" s'approche de très près de ce que "New Super Mario Bros. 2" aurait mérité d'être.


Le mode "pièces en folie" n'a rien à voir avec les arènes multijoueur offertes en bonus dans les précédents volets ; c'est un mode strictement solo incluant absolument tout le contenu du mode principal, restructuré sous la forme de plusieurs parcours composés chacun de trois niveaux qui se succèdent : le parcours "champignon" comporte des niveaux des mondes 1, 2 et du monde secret "Champignon" ; le parcours "fleur", des niveaux des mondes 3, 4 et du monde secret "Fleur" ; et le parcours "étoile", des niveaux des mondes 5, 6 et du monde secret "Étoile". Ces parcours tirent aléatoirement leurs trois niveaux selon certaines contraintes, par exemple, le dernier niveau sera toujours une tour ou un château. D'autres parcours (sans élément aléatoire) sont sortis par la suite au format téléchargeable payant.

Le concept des parcours est simple : on dispose d'une seule et unique vie, et on doit arriver au bout des trois niveaux du parcours en ayant récolté le plus d'or possible, dont le montant pourra alors être mémorisé sous forme de score et comparé à celui d'autres personnes sur le même parcours (ou à un score précédent). D'autres changements rendent le jeu nettement plus compétitif :
  • Le temps alloué, auparavant très large, est ici extrêmement juste.
  • Les champignons 1-up (dont ceux obtenus grâce aux pièces rouges) sont remplacés par des champignons d'or qui rapportent chacun 50 pièces (ou 100, avec le Mario d'or).
  • À ce sujet, le Mario d'or nous est donné comme costume de secours (accessible par l'écran tactile) si on a déjà gagné le mode principal (un seul costume pour le parcours).
  • Les pièces étoile valent désormais de l'or (d'autant plus qu'on a collecté les autres).
  • Le point de contrôle de milieu de niveau, devenu inutile, donne maintenant du temps supplémentaire, et on peut ramasser des horloges qui font de même.
  • Atteindre le sommet du poteau de fin de niveau n'accorde plus une vie supplémentaire, mais double le montant de l'or récolté jusque-là (même chose quand on abat un boss). En cas de sans-faute, l'or collecté dans le premier niveau est donc multiplié par huit.
Ces ajustements subliment les choix de game design et de level design déjà exposés.


En fait, "pièces en folie" réussit un tour de force majeur, redonner du sens ludique non seulement à "New Super Mario Bros. 2" et à la série des "New Super Mario Bros.", mais jusqu'à la série des "Super Mario Bros." en général, qui a toujours plus ou moins pâti de l'inconséquence de certaines de ses mécaniques.

L'exemple le plus évident, ce sont les vies supplémentaires : depuis "Super Mario World" et la possibilité de sauvegarder, les vies obtenues en dénichant des champignons 1-up ou en collectant 100 pièces d'or ne servent en réalité à rien ; on prend plaisir à les trouver et à les ramasser, mais l'arrivée du compteur de vies à zéro n'a pas de gros impact sur le jeu. On pourrait aussi argumenter que les vies sont très bizarrement gérées dans "Super Mario Bros. 2" (l'occidental) puisqu'on les gagne avec une machine à sous, de façon donc très aléatoire pour quelque chose d'aussi important. Au final, dans toute la série (y compris les volets en 3D) jusqu'à "New Super Mario Bros. 2", il n'y a que le tout premier "Super Mario Bros.", sa suite directe japonaise et "Super Mario Bros. 3" qui donnent un vrai sens aux vies (et donc aux pièces, avec bien sûr les deux jeux en 3D comportant un aspect "collectathon").

De la même façon, collecter des powerups n'a pas réellement tant d'importance que ça. Là encore depuis "Super Mario World", et en ce qui concerne cette fois la série en 2D, découvrir ou perdre un powerup a un impact modéré puisque rien ne nous empêche de refaire un niveau facile où l'on peut en trouver un identique ("Super Mario World" a même un mini-niveau secret qui fonctionne comme distributeur de powerups, de Yoshi et de vies). On peut toujours finir un niveau sans powerup, et si on en a vraiment besoin (par exemple pour une pièce étoile), il sont faciles à récupérer et même à stocker (costume de secours, inventaire dans l'écran de la carte, maisons de Toad, abondance des powerups dans les niveaux)... cela enlève aussi beaucoup d'intérêt aux pièces rouges.

Certaines mécaniques sont même obsolètes depuis le début de la série ! Le score n'a jamais rien voulu dire et n'a jamais servi à rien, et donc, la mini-épreuve de saut en hauteur de fin de niveau non plus. Même chose pour le temps limité : on n'est jamais vraiment menacé d'arriver à court de temps, il ne conditionne jamais notre façon de jouer (à de rares exceptions près). La série est remplie de ce type de mécaniques "gratuites".


Le mode "pièces en folie" de "New Super Mario Bros. 2" donne ou redonne un sens à toutes ces choses. On a de nouveau peur de tomber dans le vide ou la lave, et plus généralement de perdre sa vie, puisque cela met un terme brutal à une performance parfois délicate accomplie sur trois niveaux. On tient de nouveau à dénicher les emplacements secrets des champignons 1-up car ceux-ci, remplacés par les champignons d'or, sont désormais cruciaux pour la quête du score. Le score lui-même, évidemment, devient ici central puisque fusionné avec la collecte des pièces d'or qui est le but même du jeu. Perdre un costume de raton laveur peut être catastrophique car cela coupe des zones aériennes contenant le plus d'or, la perte du Mario d'or est bien sûr encore plus grave, et même le Mario de feu peut rapporter de l'or par le biais de certains mécanismes. Les épreuves liées aux pièces rouges ou bleues, avec un potentiel champignon d'or à la clef pour les rouges, ont bien entendu ici un sens qu'elles n'ont pas dans le jeu classique. Même atteindre le sommet du poteau de fin de niveau passe du statut d'action anecdotique et dispensable au paroxysme de notre prestation, où notre or est littéralement joué à quitte ou double. Tous ces éléments articulés de façon éparse et parfois bancale au sein des divers "Super Mario Bros." trouvent ici une place logique et équilibrée grâce au thème unifié de la ruée vers l'or.

Dans ce génial changement de formule qui hisse "New Super Mario Bros. 2" au rang des meilleurs hardcore platformers, le temps joue enfin son rôle : non seulement il ajoute une vraie tension et crée l'opportunité de séquences haletantes avec des horloges à collecter dans des délais serrés, mais il injecte surtout dans la série les notions de choix et de stratégies. Dans "pièces en folie", on n'a pas le temps de tout ramasser, et mal gérer son temps entraîne la mort ; on doit donc décider soigneusement quelles zones on ignore et quelles zones on privilégie, et être capable d'improviser quand un accident survient (saut raté, perte d'un costume, temps trop juste pour faire ce qui était prévu, etc.) afin de "limiter la casse". Le costume de Mario d'or à utiliser dans un seul niveau sur les trois fait partie de la même logique d'analyse, de planification puis d'exécution : dans quel niveau sera-t-il le plus rentable ?

Les sensations qui en résultent sont grisantes, valant largement un jeu comme "Super Meat Boy" pour ce qui concerne l'excitation et la volonté de se dépasser, et en réalité allant même encore plus loin, puisque "pièces en folie" est beaucoup plus complet dans son évaluation du talent du joueur...


La masse d'or collectée lors d'un parcours repose en effet sur bien plus de qualités qu'un simple time run où le joueur se contente d'aller le plus vite possible du point 'A' au point 'B' : il y a bien sûr ici du platforming, mais aussi de l'exploration, de la mémorisation de secrets, l'exploitation des caractéristiques des ennemis et savoir les éliminer à la chaîne, bien maîtriser les powerups... tous les fondamentaux de "Super Mario Bros." sont ici évalués, auxquels il faut ajouter l'aspect stratégique déjà évoqué. Enfin un jeu de la série nous permet de mesurer notre niveau de manière exhaustive, et nous encourage par conséquent à nous améliorer. Il ne faut pas s'y tromper : il s'agit ici d'une évolution majeure, qui va de pair avec le grand retour du jeu de plateformes en 2D.

Mais alors, pourquoi diable avoir parlé de "tragédie" au début de mon analyse ? Pourquoi avoir dit que "pièces en folie" ne faisait que s'approcher de ce qu'aurait dû être "New Super Mario Bros. 2" ? On pourrait résumer ma réponse en un mot : StreetPass.

C'est bien simple : si l'on n'utilise pas StreetPass, la seule action possible par rapport au scoring est de chercher à battre un score. Un unique score. C'est-à-dire que non seulement il n'y a pas de tableaux de scores en ligne permettant au joueur d'examiner, pour chaque parcours distinct, à quel niveau se situe sa performance par rapport aux autres, non seulement il n'y a pas de possibilité de compétition entre amis, mais il n'y a pas de conservation systématique des scores locaux, pas même pour une seule personne : si après avoir sauvegardé un record, on joue à un parcours différent et on souhaite conserver ce nouveau score, on devra d'abord effacer le record précédent - la conservation des scores n'est même pas au niveau d'un jeu d'arcade du début des années 1980 !

Si l'on utilise StreetPass (en habitant donc un lieu et en ayant un mode de vie adaptés à StreetPass, ce qui est loin d'être donné à tout le monde), notre record sauvegardé sera disponible pour les autres, et on pourra stocker jusqu'à quinze records StreetPass parmi les personnes croisées physiquement. Comme les parcours font trois niveaux chacun, cela signifie qu'au mieux, avec une chance qui tient du miracle, en trouvant et en stockant quinze records qui incluent des parcours aux niveaux distincts, on pourrait jouer de façon compétitive à 48 niveaux sur les 80 du jeu (hors DLC). Si l'on voulait par la suite jouer à l'autre moitié des niveaux, il faudrait sacrifier des records et se balader avec sa 3DS en veille en espérant avoir la chance de tomber sur des gens ayant choisi comme record un parcours qui inclurait les niveaux qui nous manquent - bonne chance !


Cette structure est totalement folle. Le concept de StreetPass, échanger des données avec des personnes croisées physiquement (dans les transports, au travail, etc.) est sympathique, mais faire reposer sur celui-ci quelque chose d'aussi essentiel pour un jeu à scores que le stockage des scores est un choix inexplicable. Imagine-t-on "Super Meat Boy" ou "Pac-Man CE DX" autoriser les joueurs à ne conserver qu'un seul score parmi tous leurs niveaux, et exiger de courir littéralement après les scores des autres pour avoir accès à une forme de compétition ? Cela aurait été grotesque, et ces jeux bien moins coûteux, au format dématérialisé et venant en partie de petits développeurs indépendants proposent bien évidemment, eux, des tableaux de scores en ligne complets, qui ont joué un rôle majeur dans leur succès populaire, critique, et surtout ludique.

On le voit, "New Super Mario Bros. 2" est un jeu extrêmement bizarre, qui a l'image d'un jeu sans importance alors qu'il détient les clefs d'une refondation de la série des "Super Mario Bros." ; mais il jette tout ce potentiel aux orties pour rien - il n'aurait pas été difficile d'implémenter un système de notation dans les niveaux du mode principal, ni de stocker au minimum les scores locaux du mode "pièces en folie". Je suis absolument certain qu'avec un échange de scores par Internet et une compétition entre amis, le jeu aurait suscité un réel enthousiasme. Mais au lieu de cela, il gardera une réputation de jeu cynique et médiocre, et est condamné à l'oubli vidéoludique : le peu que StreetPass permet aujourd'hui sera tari demain, d'abord par essoufflement, puis par l'impossibilité d'émuler le service pour la postérité...

Nintendo, tiraillé entre tradition et innovation

Dans ce blog, quand je parle d'un jeu Nintendo, c'est généralement pour attirer l'attention sur des qualités mal comprises ou peu remarquées par les critiques et les joueurs. Ce n'est pas un hasard, et ce n'est pas parce que les critiques ou les joueurs seraient d'incorrigibles distraits : Nintendo a du mal à conjuguer son respect de la tradition avec son innovation ; la compagnie a l'habitude d'écraser la seconde avec le premier - sinon dans les faits, du moins dans sa communication ou dans la structure de ses jeux.

"Wario Land : the Shake Dimension" est un bon exemple de cela : dans mon article, je chante les louanges de ses décors et de son animation dessinés à la main, et de l'idée géniale de ses défis facultatifs ; mais si j'ai à le faire, c'est parce que malgré tout le travail qui y a été consacré, ses visuels font exprès de laisser l'impression d'un jeu SNES, et parce que le jeu ne met absolument pas ses défis en avant.


Dans le cas de "New Super Mario Bros. 2", on est au-delà de la négligence, on est dans le sabotage ; tout le travail était déjà fait : les mécaniques, le level design, le mode dédié, etc. il fallait juste une architecture claire et pratique qui mette tout cela en valeur, et une bonne communication. C'est l'inverse qui a été fait : comme je l'ai dit, les tableaux de scores étaient mieux traités par les jeux d'arcade des années 1980, c'est un véritable infanticide vidéoludique.

En introduction, je constatais que l'avenir du "Super Mario" en 2D semblait devoir passer à l'avenir par "Super Mario Maker". Je ne suis pas confiant : je n'ai aucun doute que l'éditeur de niveaux de "Super Mario Maker" sera très bien réalisé, très simple à utiliser, très amusant, et que l'on pourra faire des choses très créatives avec... mais Nintendo sera-t-il capable de concevoir, anticiper et gérer toute la logistique en ligne impliquée par la publication, le partage, la recherche, l'évaluation, la correction, etc. des niveaux créés par la communauté ? Alors qu'ils n'ont pas été fichus de gérer les scores locaux dans un jeu à scores où figure leur vedette ?

Je ne suis pas confiant...

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